« Lève-toi et sors ! »

En tant que personne de bon goût, vous vous êtes sans doute déjà retrouvés avec Insomniak dans les mains, cet agenda culturel palois dont la fameuse maxime est « debout les morts ! ». A sa tête, Soledad1, et… et c’est tout ! Enfin plus pour très longtemps… Zoom sur cette belle idée qui facilite les sorties de nombreux palois, et sur sa prochaine évolution.

Insomniak est un agenda culturel palois bien connu de tous ceux qui fréquentent assidûment les événements culturels en tout genre ayant lieu dans Pau et son agglo. En seulement deux ans d’existence, il est devenu une véritable référence pour qui veut sortir sans avoir à aller rechercher et trier les multiples propositions.

L’idée de créer cet agenda papier gratuit et mensuel a d’ailleurs commencé ainsi, comme le confie Soledad : « J’ai toujours plein de flyers dans mon sac, parce que je sors beaucoup dans les milieux culturels. Et j’en avais marre de traîner autant de papiers ! Je me disais mais pourquoi il y a pas quelque chose qui rassemble tout ? La mairie ne le faisait pas, alors je me suis dit, je vais le faire ! ». L’histoire d’Insomniak est aussi simple que ça : le constat d’un manque et la volonté d’un individu pour le pallier. Exaspérée par les discours pessimistes sur le supposé manque d’événements à Pau, Soledad se convainc de la nécessité d’un agenda, animée par la maxime « debout les morts, réveillez-vous ! ». Cette thématique constitue encore aujourd’hui sa marque de fabrique : « A chaque mois sa couleur et sa photo. Comme je suis cinéphile, la photo est toujours extraite d’un film de zombie, de vampire, de l’univers de la nuit. Il y a toujours un personnage qui regarde le lecteur droit dans les yeux… ». Une invitation ou une injonction à sortir, c’est comme on veut !

“ J’ai toujours plein de flyers dans mon sac. J’en avais marre de traîner autant de papiers ! Je me disais mais pourquoi il y a pas quelque chose qui rassemble tout ? ”

Entièrement « home-made », le premier numéro de l’agenda sort donc en octobre 2013 et en noir et blanc, Soledad agrafant et pliant manuellement chaque exemplaire. « Nouvel agenda culturel palois pas dégueu !» pouvait-on lire sur l’édito… En effet, l’idée plait vite et quelques structures culturelles locales se mettent à l’aider en finançant les copies couleur ainsi que la mise en page. L’agenda peut alors continuer sa route et s’ancre mois après mois dans la vie d’une petite communauté : celle des 25-40 ans issus d’un milieu plutôt alternatif. Même si l’agenda ne vise pas un public particulier, ses lieux de diffusion (à peine une vingtaine dans la ville) et sa ligne éditoriale attirent cette communauté. La présence d’Insomniak devient presque politique : l’agenda prend place dans la ville, en marge des supports diffusés par la mairie, et le tout en 500 exemplaires seulement.

Insomniak

La conception de chaque numéro est une course méthodique : Soledad continue à prendre tous les flyers qu’elle trouve, elle note sur un carnet les informations des affiches intéressantes et consulte internet pour compiler les programmes des diverses structures de Pau et de son agglo. « Pour m’en sortir, je suis obligée de faire au mois. Mais forcément, je rate des choses entre la rédaction de l’agenda et sa sortie » déplore-t-elle. C’est bien là que le bât blesse, Soledad est seule à la réalisation : « quand j’ai créé Insomniak, j’étais au chômage, ça allait... Maintenant, c’est plus compliqué en travaillant à côté !». Pour la diffusion, quelques amis lui donnent régulièrement un coup de main.

Gérer seule l’agenda, réussir à le sortir à temps et en quantité, parvenir à récolter les informations, sont autant de constats de difficultés qui décident Laëtitia Boiteau, alors étudiante à l’ESAP, à concevoir un outil informatique utile à Insomniak et à sa fondatrice. Spécialisée dans le design graphique et les outils connectés, Laëtitia prend contact avec Soledad et lui propose la création d’une plate-forme web, comme lieu d’un travail collaboratif de ses lecteurs qui permettrait de générer ensuite l’agenda papier. « J’aimerai lui permettre d’automatiser un maximum les choses, de fluidifier son travail. D’inscrire l’agenda dans le temps et encore plus dans sa communauté d’amateurs ».

Insomniak

En créant cette plate-forme numérique, chaque amateur devient pleinement administrateur de l’agenda ; il participe au remplissage des dates et à la récolte des informations. L’idée s’inscrit dans le travail collaboratif et le co-design, chers à Laëtitia Boiteau2. Mais ne vous précipitez pas sur votre ordinateur ! La plate-forme web est encore en phase de conception. Fraîchement diplômée de l’ESAP, Laëtitia souhaite la voir effective d’ici quelques mois.

L’agenda en tant que tel, dans sa version papier, ne devrait pas varier. Soledad tient à garder son esprit : la possibilité de le plier et de l’avoir dans le sac. Il restera, comme à son origine, très simple et volontairement non rédactionnel. On y trouvera toujours les informations essentielles : quoi, où, quand, combien. Pas de place aux fioritures. « Expo, concert, théâtre… J’essaie d’être assez exhaustive. Ensuite, ce que je défends, je le mets en avant sur la première page, c’est tout », confie-t-elle.

“ Quand on est des petites fourmis, il faut s’avoir s’organiser autrement ! ”

Ce charme du fait maison et ce type de projets à économie de bouts-de-ficelle, c’est ce qui lie les gens à Insomniak. « Avant, il n’y avait rien. Depuis, la mairie a sorti Pau agglo et nous. Du coup, j’ai hésité à arrêter... Attention, c’est très bien qu’ils le fassent ! C’est leur boulot en tant que mairie », assure Soledad. Mais portée par ses lecteurs et par la différence de contenu (selon elle, l’agenda mairie est plus familial, plus large, axé sur le sport et les loisirs, ce qu’elle ne fait pas), elle s’est décidée à poursuivre. Si beaucoup admirent son travail de fourmi, peu comprennent cet engagement : « On me dit « mais pourquoi tu fais ça, t’es pas payée, etc. ». Ok ça me prend du temps mais bon… ça manque alors je le fais. Pour moi et aussi pour les autres. Je trouve que les gens sont pas toujours très généreux ». La mise en route de la plate-forme collaborative devrait permettre de prouver le contraire… Comme le pense Laëtitia : « même si la communauté d’utilisateurs sera réduite, il y a des gens qui ont vraiment envie que ça fonctionne. Quand on est des petites fourmis, il faut s’avoir s’organiser autrement ! ». Après deux ans d’existence, Insomniak n’a pas encore fini de réveiller la ville.

Notes : [1] Soledad n’est pas le vrai prénom de sa fondatrice…. D’un naturel discret, elle a préféré rester anonyme.
[2] Laëtitia Boiteau a présenté ses travaux sur Insomniak dans le cadre de son projet de fin d’étude et de l’exposition First Step qui a eu lieu au Bel ordinaire en octobre dernier. Cette exposition mettait en avant les travaux de six étudiants de l’ESAP, spécialisés dans le design graphique.

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