Y a des artistes au bout de ma rue
- Par Romain Miele-Hubert. Publié le mardi 14 juillet 2015.
C'est souvent une bonne idée de regarder autour de soi quand on se balade en ville. En effet, si nous avions eu les yeux fixés sur nos pompes en passant rue des Cordeliers il y a quelques jours, nous n'aurions pas vu l'affichette qui annonçait un vernissage. Et nous aurions loupé quelque chose.
Jeudi 9 juillet, 23h30. Le premier vernissage de l’Atelier Ambulant, rue des Cordeliers, se termine. A l’heure de ranger les restes du buffet et de terminer la (très bonne) sangria, Marika et Fabrice ont l'air ravi. « Vous voulez rentrer voir ? Bien sûr que c’est encore possible ! » s’exclame la grande trentenaire blonde, un grand sourire aux lèvres. Fabrice exulte également, même si sa joie est plus discrète. « On a eu du monde toute la soirée, bien plus que ce qu’on pensait ! Bon, on avait donné des horaires différents à tout le monde, et du coup ça s’est distribué entre 19h30 et 22h00, mais ça a très bien marché ». Les deux artistes palois ont en effet de quoi être satisfaits : malgré une communication très modeste, la boutique qu’ils ont investie provisoirement pour en faire un atelier-galerie a su attirer les visiteurs dès son premier « vrai » soir d’activité.
" On travaille ensemble parce qu'on est différents, on veut que les mondes se mélangent "
L’idée originelle est partie d’un besoin concret qu’évoque Marika : « Ça fait douze ans que je travaille seule et, bon, il arrive un moment où on a forcément envie d’autre chose… Bosser à côté des autres ça peut être une source d’inspiration : ça permet de s’influencer mutuellement, même si on a évidemment chacun notre espace ». Fabrice, qui vit en appartement, avait lui aussi un peu de mal à travailler au milieu de ses chats et de son chien : « Quand tu veux monter une toile ou tester un mélange de colle, c’est franchement pas ce qu’il y a de plus pratique. D’autant que j’avais déjà énormément de trucs qui traînaient partout chez moi, ça commençait à devenir pénible. ». C’est en décembre dernier que germe le concept de l’Atelier Ambulant, imaginé par les deux artistes qui se sont connus lors d’une formation. Leurs univers et leurs milieux sont différents, et c’est presque fait exprès : « On a décidé de travailler ensemble justement parce qu’on est pas pareils, qu’on n’a pas les mêmes vécus ni les mêmes réseaux. C’est la mise en commun qui peut nous apporter, on veut que les mondes se mélangent. » affirme Marika.
Mais pourquoi cet endroit, une boutique à l’entrée de la galerie Joffre ? « On aurait très bien pu louer un garage quelque part, ça aurait sans doute été plus simple, mais on voulait vraiment investir le centre-ville », raconte Marika. Les deux artistes ont volontairement choisi un secteur où le commerce est devenu difficile ces dernières années, dans une démarche qui s’apparente à de la réhabilitation urbaine. « Quand je vois autant de boutiques fermées, ça me rend malade. », poursuit Marika. « J’ai grandi dans cette ville, et ça fait mal de voir certaines rues se vider. C’est pour ça qu’on s’est installés ici, à un endroit où il y a besoin de bouger les choses. » L’idée : investir une boutique inoccupée pendant quelques mois, la rafraîchir en refaisant les peintures et en la réaménageant, la faire vivre en y travaillant, en y exposant et en y organisant des évènements, puis la transmettre à un commerçant avant de partir ailleurs. « On a vraiment une fonction de relais. On veut pouvoir attirer du monde, changer l’image d’un quartier, créer des bonnes énergies avant de laisser la place à quelqu’un d’autre. »
L’Atelier Ambulant est provisoire, mais il s’est malgré tout intégré rapidement au sein du quartier. « Les commerçants étaient ravis de nous voir arriver. Pendant les travaux, ils sont même venus nous proposer de l'aide et nous prêter des outils ! » sourit Marika. Pour le premier vernissage, le buffet était fourni par les boutiques du quartier, toutes mentionnées sur des affiches. « C’est une forme d’échange. On n’a pas forcément beaucoup de moyens, mais on est dans une démarche participative : pour certains commerces, on a payé les ingrédients et ils nous ont « offert » la main d’œuvre. En échange, on contribue à leur donner de la visibilité. On est vraiment là pour s’entraider, on veut tous que le quartier aille mieux. »
Pour ce qui concerne les expositions, le fonctionnement est très simple : trois mois de présence, trois artistes. D’abord le travail de MOG (le nom d’artiste de Marika Gysbers), exposé durant tout le mois de juillet. Lui succèdera Codel, en aout, et enfin M.612 (Fabrice Aubert), en septembre. A chaque fois, un vernissage sera organisé, toujours en collaboration avec les commerçants du coin. Et peut-être quelques concerts « On l’a fait avec Le V [anciennement The Victoria’s - NDLR] à la fête de la musique, en guise d’inauguration. C’était un peu improvisé, mais l’idée de jouer dans une vitrine était marrante, et c’est pas très compliqué à faire niveau matériel. L’essentiel c’est de faire vivre le lieu pour dynamiser le quartier ».