Si c’est pas malheureux !

C’est à l’occasion de ses deux récompenses gagnées aux E-Py (trophées du numérique) dans les catégories « meilleur blog personnel » et « coup de cœur du public », que nous avons rencontré François Lamoureux, un enseignant qui partage ses expériences sur l’utilisation des outils numériques à l’école.

François Lamoureux, enseignant palois exerçant dans la petite école de Gaujacq dans les Landes, a la victoire modeste : il s’excuserait presque de ses deux trophées gagnés aux E-Py qui ont eu lieu début juin. « Les prix c’est absolument pas mon truc… Mais j’avoue que ça m’a quand même fait très plaisir ». Il s’est inscrit, sans trop y croire, pour présenter son blog sur lequel il partage ses expériences d’utilisation des outils numériques en classe.
Quelques semaines après les nominations, il se retrouvait sur la scène du Palais Beaumont, un trophée dans chaque main et un brin gêné... « Autant faire une présentation de mon boulot ou faire le guignol sur scène en concert, j’ai aucun problème, autant là j’étais mal à l’aise. Pourquoi moi et pas un autre ? ». C’est pourtant bien lui (et pas un autre) qui a été récompensé pour ce blog bien connu de la sphère enseignante qu’il tient depuis 2012.

“ Je suis un être humain augmenté, j’ai un 2e cerveau dans la poche ! ”

Le numérique, c’est naturel pour François : « je suis un être humain augmenté, j’ai un 2e cerveau dans la poche ! », plaisante-t-il, faisant référence à son smartphone qui ne le quitte jamais. Ce goût pour les outils numériques lui vient de son père, prof de technologie, qui lui a mis un pied dans l’informatique dès l’enfance. Depuis, il utilise le numérique au quotidien : dans sa classe, chez lui, dans ses loisirs … François aime à dire qu’il est guidé par le « fun » : il peut accrocher une Go-Pro à un manche de guitare ou à une tête d’élève pour filmer un concert de son groupe The Useless Superheroes ou le quotidien de sa classe… Il a le goût pour le partage et l’expérience décalée mais utile. L’enjeu est bien là : comprendre la façon dont on vit les choses, pour faire changer les points de vue.

Dans son école, François cherche à bousculer les idées reçues et les visions archaïques de l’enseignement. L’esprit est le même sur son blog Si c’est pas malheureux !, sur lequel il poste, entre autres, des vidéos humoristiques portant sur l’intérêt des nouvelles technologies et des réseaux sociaux en classe. Cela dit, ne faut pas se méprendre : le numérique n’empêche pas la rigueur. L’utilisation en classe (tablettes tactiles, compte Twitter, etc.) se fait toujours dans le cadre des programmes scolaires officiels. Les objectifs d’apprentissage sont les mêmes que dans toute autre classe, seuls les outils diffèrent. Pour lui, le numérique apporte une plus-value incontestable : « C’est les outils numériques qui m’ont permis d’imaginer le fonctionnement que j’ai actuellement en classe : un parcours individualisé pour chaque élève et des enfants qui coopèrent ».

Grâce à ces outils, ses élèves sont très autonomes et se lancent sans cesse dans de nouveaux projets issus de leur vécu. On ne s’étonnera pas si François Lamoureux se réfère régulièrement à la pédagogie Freinet (expression libre, pédagogie coopérative, …) : « Ces idées existaient depuis longtemps en fait. La seule différence, c’est que le numérique ancre ces pratiques dans le monde moderne ». Il parle de la tablette comme d’une véritable révolution dans son métier : « T’as un outil que tu peux mettre dans les mains des gamins et qui fait la taille d’un cahier ! Tu peux aller partout, tu peux prendre des photos, du son, de la vidéo. Vraiment : ça change tout ! »

“ Les enfants ont compris l’école comme je la voyais, moi. L’idée de progrès pour chacun, de sortir des cadres, de se prendre en main, de s’entraider, d’avancer toujours…. ”

Oubliez les séances d’informatique déconnectées de tout sens : dans sa classe, on ne passe pas des heures à modifier la couleur ou la police d’une phrase anecdotique…. On écrit pour communiquer, par le biais d’une Twittclasse notamment ; on enregistre des sons et des vidéos pour construire des leçons destinées à ses camarades ou à d’autres classes. Les situations d’écriture et de lecture sont concrètes et inscrites dans le vécu des élèves. « C’est un peu de journal de classe de Freinet, version 2.0 ».

En plus de la favoriser la motivation des élèves dans leurs apprentissages, cette pédagogie qui intègre le numérique vise une réelle éducation aux médias. Aux mécontents qui souligneraient le manque de maîtrise des outils numériques par les élèves, la réponse est très claire : « C’est justement parce qu’ils ne maitrisent pas ces outils, qu’il faut les éduquer ! Quand tu as un gamin qui fait n’importe quoi sur la route à vélo, tu vas pas lui dire : « Ah bah non, tu fais n’importe quoi alors je vais rien faire pour t’aider. On doit le laisser se faire écraser ? ». Evacuée aussi l’image d’Epinal de chaque élève devant sa tablette : « Ce serait contre-productif ! Le but est d’échanger, de discuter, d’argumenter. C’est comme ça qu’on apprend ».

A Gaujacq, les retours des familles sont positifs. François note une réelle évolution des élèves dans leur vision de l’école, entraînant celle de leurs parents. Il se dégage une certaine sérénité dans sa classe. « Les enfants ont compris l’école comme je la voyais, moi. L’idée de progrès pour chacun, de sortir des cadres, de se prendre en main, de s’entraider, d’avancer toujours…. On ne peut pas être bon en tout. L’erreur n’est pas grave : elle fait avancer. J’aime que mes élèves osent en classe, qu’ils n’aient pas d’appréhension pour faire ou proposer quelque chose. Et si ça ne marche pas, au pire ils réessaieront plus tard ».

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