Des friches et des boîtes

Nous avons rencontré Nadia Lubak, en préparation de son exposition À la friche, proposée par le collectif Bon’art au Bel Ordinaire. Cinq artistes y livrent leur vision de ces espaces si particuliers. Celle de Nadia est mise en boîtes.

L’œil est attiré par le rouge. Et c’est ce que souhaitait Nadia Lubak en déposant ses boîtes aux lettres avec leur notice explicative dans cinq espaces de la ville. Ces espaces n’ont pas été choisis au hasard, ils incarnent chacun à leur manière la Friche, thème de la future exposition du Bel Ordinaire proposée par le collectif Bon’art.

“ Ce sont des lieux dans lesquels on passe, mais qu’on ne voit pas, alors qu’on passe tout le temps devant. Comment faire pour que les gens s’arrêtent et les regardent à nouveau ? ”

Quand on lui demande d’apporter sa définition de la Friche, Nadia nous parle d’espaces délaissés. Elle conçoit sa démarche artistique comme un questionnement sur le réinvestissement de ces espaces abandonnés, sur ces lieux qui ont eu une histoire. « Ce sont des lieux qui ont été occupés et animés, mais qui ne le sont plus. Ils portent encore une trace du passé ».

Nadia en a sélectionné cinq avec en tête des nécessités pratiques, notamment pour parvenir à fixer ses boîtes aux lettres et permettre un accès aux gens ; l’idée est de rendre ces espaces à nouveau visibles. Beaucoup sont des lieux de passages ou de ruines, auxquels on ne prête plus attention. « Ce sont des lieux dans lesquels on passe, mais qu’on ne voit pas, alors qu’on passe tout le temps devant. Comment faire pour que les gens s’arrêtent et les regardent à nouveau ? ».

Pour Nadia, ces espaces qu’on traverse mais qu’on ne regarde plus sont devenus désagréables. En y déposant une boîte aux lettres rouge, couleur de l’intime, elle invite toute personne à y déposer quelque chose de personnel : « J’aimerai que les gens réinvestissent ces lieux de façon jolie, en y mettant quelque chose qui leur est cher. Ça peut être une phrase qui inspire, un texte qu’on aime bien et qui nous accompagne dans la vie, un vœu, un souhait, un regret, … Un morceau de soi. ». Cette démarche vise à créer du lien avec les personnes qui participent, à être en relation avec elles.

“ Là j’avais envie d’autre chose, de sortir de ce que je fais d’habitude, d’aller vers le participatif. ”

Chaque jour ou presque, Nadia fait le tour de ses boîtes et recueille des textes, des petites histoires, des phrases qui font sens pour ceux qui les déposent. « Je suis super contente quand je reçois du courrier ! Je lis de très belles choses. Certains conçoivent même la démarche comme thérapeutique. L’anonymat permet de lever les barrières, la peur potentielle du ridicule ».

L’appel à participer a été posté sur les réseaux sociaux sous l’initiative « Rendez-vous aux boîtes aux lettres », ainsi que sur le site internet du Bel Ordinaire. « J’en suis arrivée aux boîtes aux lettres je ne sais pas comment ! À la base, je peins et je dessine. Là j’avais envie d’autre chose, de sortir de ce que je fais d’habitude, d’aller vers le participatif ».

Les boîtes aux lettres ont, elles aussi, leur propre histoire : certaines se méritent, d’autres sont plus visibles… De la mésaventure de l’une d’elles (arrachée par des enfants jouant au foot), Nadia Lubak rigole : « J’ai récupéré la boîte de la rue des Messagers toute défoncée. Ça fait partie du jeu ! Peut-être même que je l’exposerai au Bel Ordinaire ». Car l’enjeu est bien là : réinvestir ces espaces délaissés et les ramener ensuite dans un lieu d’exposition. Seront exposés les divers mots et lettres déposés, des peintures de boîtes aux lettres et des descriptions sonores de ces cinq lieux de friche.

Et après ? « Peut-être que je vais laisser les boîtes aux lettres pendant et après l’exposition. Je ne sais pas encore… ». Une façon de proposer une nouvelle histoire et une nouvelle fonction pour ces lieux.

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